J’appartiens
à un courant qui prétend depuis des millénaires faire de “la vraie philosophie”[i]
face à une multitude d’autres écoles qui usurpent selon nous cet idéal ainsi
que le noble titre de philosophe. Qu’est-ce donc que la vraie philosophie ?
Littéralement, la philosophie signifie l'amour de la sagesse (Philein=Aimer ,
Sophia= la Sagesse, en Grec ancien). La sagesse étant elle-même l’association
de deux choses : un maximum de lucidité et un maximum de sérénité.
En effet, une grande sérénité construite sur des mensonges ou des illusions n’est pas de la philosophie. De même, une grande lucidité qui conduit au désespoir n’est pas non plus de la philosophie. Ainsi selon nous, la vraie philosophie est l’amour de la vérité qui au bou de l’étude confère en retour la suprême félicité. Le sage est celui qui possède la paix parfaite de l’âme sans avoir pour autant renoncé à la vérité. La vérité comprend les choses intérieures (les élans de son coeur) et les choses extérieures (la réalité physique et historique du monde). Celui qui renonce à la vérité, et qui accepte les fables de la religion, et s’abandonne à des croyances pour retrouver de la sérénité, n’est pas un sage. A l'inverse, celui qui reconnaît froidement les dures injustices de notre condition, mais sombre dans la tristesse, le désespoir ou le fatalisme n’est pas non plus un sage. Le sage est celui qui, sans avoir renoncé le moins du monde à aucune des terribles vérités et interrogations qui menacent nos existences, a malgré tout réussi, grâce une compréhension supérieur des choses et de lui-même, à atteindre la joie suprême d’exister.
Du fait de sa nature composite, la philosophie s’articule en deux temps. Le premier temps de la philosophie est celui de l’accroissement de sa lucidité. Le philosophe se caractérise par une disposition supérieure à connaitre la vérité grâce à sa clairvoyance, son intelligence, ses connaissances, sa sincérité, son honnêteté intellectuelle et sentimentale.
Le second temps de la philosophie est celui de l’accroissement de la sérénité là ou se produit la cessation des troubles de l’âme, puis où nait une joie existentielle profonde voire une béatitude métaphysique qui n’a plus rien à envier à celle promise par les religions.
Les demi-philosophes et les religieux sont des faux-philosophes car ils ne maitrisent au mieux que le premier ou second temps de la philosophie mais n’ont pas su réaliser l’union de ces deux composantes. De la vient leur opposition entre leur Raison et leurs passions, contrairement aux vrais philosophes tels Confucius ou Spinoza qui voyaient justement dans l’achèvement de leur effort philosophique la capacité nouvelle de les faire coïncider et fonctionner ensemble[ii].
Dans un
premier temps, la philosophie nécessite le pur amour de la vérité, qui met en
danger jusqu’au risque éventuel de découvrir des vérités terribles et causer la
mort d’une partie de son âme. Le désir de défendre des dogmes ou simplement
vouloir que le monde ait un sens est un parti pris initial qui n’est pas
possible en philosophie. Celui qui veut s’élever à la vraie philosophie doit faire
table rase de ses préjugés et sentiments et accepter la possibilité que le
monde puisse avoir un sens, ou pas, et se rendre ensuite à ce qui apparait le plus évident, même si la réponse le
terrifie. Mais si l’amour de la vérité en son cœur est plus faible que ses peurs
et ses préjugés et qu’il n’a pas la force de prendre le risque de s’approcher
de la vérité, quel qu’en soit le prix à payer, alors il ne cherchera qu’à
défendre ses préjugés et pourra être un idéologue, un intellectuel, un
théologien, même éventuellement habile, mais pas un philosophe.
[i]. Expression de Spinoza, Lettre à Burgh, fin
1675-début 1676. On trouve une idée similaire chez Colotès, disciple immédiat
d’Épicure, qui avait rédigé un traité intitulé "Qu’il n’est pas possible
de vivre selon les dogmes des autres philosophes".
[ii]. # La Raison et les Passions Pour Confucius, "à soixante-dix ans, en suivant les désirs de mon cœur, je ne transgressais aucune règle" (Entretiens II.4). Pour Spinoza, "une passion ne peut être empêchée ou détruite que par une passion contraire et plus forte" (Ethique, IV, VII). Aussi "bien que j'eusse une idée claire de tout ce que je viens de dire, je ne pouvais cependant bannir complètement de mon cœur..." (traité de la réforme de l'entendement) mais après l’exercide de la méditation philosophique "Il n'est point contraire à la raison de se glorifier d'une chose ; ce sentiment peut provenir de la raison elle-même" "Tout désir qui naît de la raison ne peut être sujet à l'excès" "La paix intérieure peut provenir de la raison, et cette paix née de la raison est la plus haute où il nous soit donné d'atteindre". "La béatitude n'est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même".
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