Une discussion sur Kant et les Lumières allemandes


Débat avec le philosophe Willeime
(octobre 2020)



 



Compléments post-discussion



Toutes les commentaires de Willeime sur Kant


la corruption de la philosophie: Kant         

La page noire de Kant


Erreurs et contradictions de Kant


Einstein et Kant


Les contradictions des spiritualistes              



L'histoire de la réception de Kant en France montre que Kant n'est pas du tout le sommet des Lumières mais bien le début des contre-lumières


En 1794 le théologien Blessig se montrait "curieux d'une philosophie dont il a entendu parler comme d'un rempart possible contre le matérialisme et l'athéisme"
page 12, De Königsberg à Paris : La Réception de Kant en France (1788-1804)


"Kant, sortie à l’automne 1801, suscite des réactions assez vives : l’Institut se saisit de la question, les revues parisiennes combattent les « paradoxes » et « l’obscurité » du kantisme."
La réception cousinienne de la philosophie esthétique de Kant

Condorcet à propos des philosophes allemands (comme Kant): "plus habiles que ceux qui, d'une main maladroite, s'efforçaient d'étayer l'édifice des superstitions antiques, dont la philosophie avait sapé les fondements, quelques charlatans tentèrent d'en employer les ruines à l'établissement d'un système religieux, où l'on n'exigerait de la raison, rétablie dans ses droits, qu'une demi-soumission; où elle resterait presque libre dans sa crovance, pourvu qu'elle consentît à croire quelque chose d'inconpréhensible" "ayant pour but secret de perpétuer l'ignorance, et de prolonger le règne des erreurs, on en a vu les nombreux sectateurs, [...] corrompre la raison par de brillants paradoxes" "la politique et la superstition employèrent contre elle tout ce que la connaissance de l'homme peut offrir de motifs pour se défier de sa raison, d'arguments pour en montrer les bornes et la faiblesse; et comment on sut faire servir le pyrrhonisme même à la cause de la crédulité"
DE L ESPRIT HUMAIN. — IX ÉPOQUE

NOTE: "Du point de vue des Lumières françaises, qui s'expriment vigoureusement dans cette page de Condorcet, les kantiens sont aussi rétrogrades que les aristotéliciens." "les kantiens apparaissent déjà comme des « postmodernes », puisqu'ils surmontent allègrement, dans un sens nouveau et imprévu des rationalistes français, l'interdit jeté sur toute division de la raison".
Vincent Descombe. Le Raisonnement de l'ours. Et autres essais de philosophie"



Kant s'oppose à Spinoza, le père des Lumières


"Je ne comprends rien à votre Spinoza, à ce cartésien de la Kabbale ; absolument rien, pas même depuis que Jacobi l’a interprété avec les grâces de son atticisme"
Kant à Moise Mendelssohn

"si on n'admet pas cette idéalité du temps et de l'espace, il ne reste plus que le spinozisme"
Kant Critique de la Raison Pratique, AK. V. 101-102


Autres avis d'auteurs classiques rejoignant l'avis de Willeime sur Kant


Nietzsche: (contre Kant, lire en priorié les paragraphes 8-12 de l'antéchrist)

"D’où vient l’allégresse qui passa en Allemagne à l’apparition de Kant, dans le monde de la science qui se compose aux trois quarts de fils de pasteurs et de maîtres d’école. — d’où vient la conviction allemande qui maintenant encore trouve son écho, la conviction qu’avec Kant commence un revirement vers le mieux ? L’instinct théologique dans le savant allemand devinait ce qui maintenant était de nouveau possible. Un chemin détourné vers l’idéal ancien était ouvert, le concept du « vrai monde », le concept de la morale en tant qu’essence du monde (ces deux plus méchantes erreurs qu’il y ait !) était de nouveau sinon démontrable, du moins impossible à réfuter, grâce à un scepticisme subtil et rusé… La raison, le droit à la raison, n’a pas de grande portée… On avait fait de la réalité une « apparence » ; un monde tout à fait mensonger, celui de l’essence était devenu réalité… Le succès de Kant n’est qu’un succès de théologien ; Kant n’était, comme Luther, comme Leibnitz, qu’un frein de plus à l’intégrité allemande déjà si peu solide."
https://fr.wikisource.org/wiki/L’Antéchrist_(Nietzsche)


« [a propos de Kant, Leibniz, Luther…] Ce sont mes ennemis, je l'avoue, ces Allemands : je méprise en eux toute espèce de malpropreté d'idées et de valeurs, toute lâcheté devant un oui ou non qui soit franc. Depuis près de mille ans ils ont tout brouillé, tout embrouillé tout ce qu'ils ont touché de leurs doigts, ils ont sur la conscience toutes les demi-mesures, tous les compromis dont l'Europe est malade »
L’Antéchrist, 61


Note: Kant nous dit lui-même qu' "à la théologie biblique correspond, dans le domaine des sciences, une théologie philosophique"
Kant, La Religion dans les limites de la Raison

Bertrand Russel

"Tout en reconnaissant l’importance historique de Kant présenté à plusieurs reprises comme le fondateur de l’épistémologie moderne, Russell n’a cessé d’émettre tout au long de sa carrière philosophique, des jugements très sévères sur l’auteur de la Critique de la Raison pure. Ces jugements peuvent paraître excessifs, hâtifs, à l’emporte pièce (« Kant fut une pure calamité », « Kant me rend malade ») mais rien ne serait plus erroné que d’y voir l’expression d’une méconnaissance, voire le fruit d’une lecture hâtive de l’oeuvre kantienne. Le jeune Russell, comme en témoigne l’Essai sur les Fondements de la Géométrie de 1897, avait étudié avec grand soin la philosophie critique, s’était efforcé de l’ « évaluer » à l’aune de ce qui constituait à l’époque la « modernité », à savoir la « métagéométrie » et la logique néohégélienne de Bradley et de Bosanquet. Le trait remarquable c’est que le jugement porté sur Kant par Russell demeurera à peu près le même dans ses grandes lignes lors même que Russell aura abandonné l’« idéalisme » de sa jeunesse, aura profondément modifié ses conceptions philosophiques et aura trouvé de nouvelles raisons de s’opposer à la philosophie kantienne. Toujours néanmoins Kant sera loué pour avoir insisté sur la notion d’a priori mais blâmé d’en avoir donné une version trop psychologique, trop empirique. Ce que Russell reproche à Kant, de l’Essai sur les Fondements de la Géométrie à Human Knowledge son dernier grand ouvrage philosophique, daté de 1948, c’est d’être trop subjectif, c’est de permettre que la description du monde soit déterminée par la connaissance humaine. Cette constance dans la critique de la philosophie kantienne ne fait peut-être que renvoyer à ce qui constitue l’unité même de la pensée  russellienne, à travers tous ses aléas, à savoir son réalisme"
Russel Critique de Kant. Jean-Gérard Rossi.


Ayn Rand

https://www.youtube.com/watch?v=OGMcC_jewyE

https://www.youtube.com/watch?v=d2sgJBAGxxo

Alain Boyer, professeur de philosophie à la Sorbonne

"[Alain Boyer] entend s’inscrire en faux contre la thèse communément admise selon laquelle Kant serait un penseur typique des Lumières, un humaniste et un libéral. Contre cette idée reçue, l’auteur soutient que Kant est avant tout un métaphysicien, tenant de l’absolutisme et de l’ordre, dont le but manifeste n’est pas de saborder toute spéculation métaphysique, mais d’assigner des limites au savoir théorique afin de protéger la religion et la morale des fléaux qui la menacent : le matérialisme et l’athéisme. 
L’interprétation du kantisme comme étant purement et simplement une critique de la métaphysique spéculative est discutée et relativisée. On essaye de montrer que le projet kantien est bien de sauver et de refonder la métaphysique comme « rempart » de la religion.
En limitant la connaissance théorique au phénoménal, Kant sauve le domaine du suprasensible des hardiesses désastreuses de la spéculation, qui conduisent inévitablement au scepticisme, et de toute réfutation empirique, réservant ce domaine pour la seule détermination pratique. La métaphysique renouvelée s’élève donc tel un rempart dont le but est la protection de la morale et de la religion."
Alain Boyer. Hors du Kant. Un essai sur Kant.


Kant- Un égaré des Lumières

Kant- métaphysicien dogmatique ou défenseur des Lumières



Sur la croyance de Kant

"Kant, à titre personnel, reste chrétien"  "Kant continue d'adhérer [à l'espérance chrétienne]." "Je ne songe nullement à nier que Kant soit chrétien" "la croyance occupe sans doute une place éminente dans sa vie personelle et, même à certains égards, dans sa philosophie" "la morale de Kant en effet est aussi l'héritière de la pensée chrétienne" "sa pensée n'en reste pas moins fondamentalement marquée par le christianisme"
Luc Ferry, Kant, Une lecture des trois « Critiques », p18/19/104/108/127/165

"C'est dans le Christianisme que se présente à nous, dans sa pureté absolue, non seulement la doctrine morale, mais encore un concept du royaume de Dieu, c'est-à-dire du souverain bien, seul capable de satisfaire aux exigences les plus rigoureuses de la raison pratique "
Kant, La Religion dans les limites de la Raison

"En résumé donc, cette étude aura démontré que, si, au cours de ses premières années de professorat, Kant prenait aussi délibérément le parti de la religion contre « les libres penseurs », c'est que lui-même n'avait alors aucune objection contre la foi aux mystères l). De plus, ce travail aura montré dans quelle mesure la foi au christianisme pouvait encore à ses yeux se justifier rationnellement, et dansquelle mesure il s'y référait encore personnellement."
Les idées religieuses de Kant en 1755-1760 (suite et fin).  F. Morelle. Revue Philosophique de Louvain  Année 1929  23  pp.280-308







Napoléon



La croyance de Napoléon

Un soir, à Sainte-Hélène, la conversation était animée; on traitait un sujet bien élevé : il s'agissait de la divinité de Jésus-Christ. Napoléon défendait la vérité de ce dogme avec les arguments et l'éloquence d'un homme de génie, avec quelque chose aussi de la foi native du Corse et de l'Italien. Aux objections d'un de ses interlocuteurs qui dans le Sauveur ne semblait voir qu'un sage, un philosophe illustre, un grand homme, l'empereur répondit  :

" Je connais les hommes, et je vous dis que Jésus n'est pas un homme. Si vous ne voyez pas que Jésus est Dieu, dit Napoléon à son interlocuteur, eh bien! j'ai eu tort de vous faire général". " Les esprits superficiels voient de la ressemblance entre le Christ et les fondateurs d'empires, les conquérants et les dieux des autres religions. Cette ressemblance n'existe pas. Il y a entre le christianisme et quelque religion que ce soit la distance de l'infini". " Le plus grand miracle du Christ a été de fonder le royaume de la charité: lui  seul a été jusqu'à élever le cœur de l'homme à des hauteurs  inimaginable, à l'annulation du temps; lui seul, créant cette  immolation, a établi un lien entre le ciel et la terre. Tous ceux  qui croient en lui, ressentent cet amour extraordinaire,  supérieur, surnaturel; phénomène inexpliqué et impossible à la raison".

Sentiment de Napoléon sur le Christianisme : conversations religieuses (3e éd. rev. et corr.) / recueillies à Sainte-Hélène par M. le général comte de Montholon... ; par M. le Chevalier de Beauterne ; avec un dessin de M. Horace Vernet...
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6138553m/texteBrut

Testament religieux de Napoléon Ier, sa profession de foi sur Dieu, sur Jésus-Christ et sur les principaux dogmes du christianisme
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61292630/texteBrut

 La Divinité de Jésus-Christ démontrée par l'empereur Napoléon Ier à Sainte-Hélène,
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61283275/texteBrut

http://benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/la-conversion-de-napoleon.html


Napoléon: le traite à la révolution  ?


Voir le commentaire d'Eric Zemmour (grand admirateur de Napoléon) qui concède dans face à l'info du 2 décembre 2020 (sur Cnews avec Christine Kelley - écoutez à partir de 56 min) que Napoléon pouvait abattre les monarchies européennes mais qu'il ne l'a pas fait parce qu'il voulait être reconnu comme un monarque alors que les rois étrangers le voyaient comme un révolutionnaire.

Voir la réaction de son contemporain Beethoven, admirateur de la révolution qui renie Napoléon après l'avoir encensé lorsque celui-ci décide de se faire sacrer empereur par le pape.
" Il déchire le morceau de la partition sur laquelle se trouve le nom de Bonaparte. « Ce n’est rien de plus qu’un homme ordinaire, s’emporte-t-il. Maintenant, il va fouler aux pieds tous les droits humains, il n’obéira plus qu’à son ambition ; il voudra s’élever au-dessus de tous les autres, il deviendra un tyran ! » Le désastre a désormais un nom. Beethoven rumine le souvenir de chaque moment passé à l’ambassade de France à suivre à distance l’épopée de son héros. Ces pages qui constituent la Troisième Symphonie sont les seules branches auxquelles il peut se raccrocher. En regardant autour de lui, il a le sentiment d’avoir été trahi."
https://www.atlantico.fr/decryptage/3576174/l-immense-deception-de-beethoven-envers-napoleon-qui-debaptisa-une-oeuvre-qui-lui-etait-dediee-laure-dautriche



Dans les premieres versions du Calendrier, Comte reserve a Bonaparte une journee de « Reprobation solennelJe »
Napoléon est "le plus coupable" des trois principaux rétrogadateurs/réprovués d'Auguste Comte. Napoléon fut un "retrograde" "issu d'une civilisation arriérée, et specialement animé, sous la secrete domination d'une nature superstitieuse, d'une admiration involontaire pour l'ancienne hierarchie sociale »
Cours de philosophie positive

Voir aussi les conférences d'Henri Guillemin


Ma conclusion:
"Napoléon révolutionnaire" c'est le point de vue monarchique
"Napoléon traite à la révolution" c'est le point de vue républicain







Autres Pages du site Willeime mentionnées pendant cette discussion

La Corruption de la Philosophie par le Spiritualisme et la Religion


Démasquer la fausse rationalité des contemporains



La Vidéo d'Arsenio citée au début de la discussion

Dominique Pagani sur Hegel et les Lumières allemandes





Page principale du site Willeime